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Portrait d’une femme par Michele Tosini

Tosini_Venus_VictrixPortrait de femme (ou « Venus Victrix ») exécuté vers 1560-70 par Michele Tosini (dit aussi : Michele di Ridolfo del Ghirlandaio – 1503-77) et conservé au Musée Czartoryskich à Cracovie en Pologne – Source : Wikimedia

Dans la lignée de l’article précédent (voir « Les seins de Michel-Ange« ), voici un portrait pour illustrer l’affection pour les seins-obus de quelques peintres de la Renaissance. Michele Tosini, qui aimait bien copier les oeuvres de ses prédécesseurs (A cette époque, copier est aussi un business – Voir les copies de Michel-Ange et Pontormo par Tosini sur le blog lepetitrenaudon) a ici repris le portrait d’une sibylle par Bacchiacca, maintenant conservé au Kunsthistorisches Museum à Vienne.

Les seins de Michel Ange

Puisque je parlais de seins dans mon dernier billet (écrit il y a 3 mois !), j’ai envie de m’attarder un peu sur la poitrine de l’allégorie de la nuit (voir photo ci-dessous) qui se trouve dans la Nouvelle Sacristie des chapelles des Médicis à Florence.

La nuit MichelAnge

« La Nuit » (détail) par Michel-Ange – Tombe de Julien, duc de Nemours , Nouvelle Sacristie, Chapelles des Médicis, Basilique San Lorenzo, Florence – 1520-1534 – Source : Wikimedia

Cette oeuvre de Michel-Ange (1475-1564) a apporté de l’eau au moulin des critiques qui considèrent que le grand artiste italien ne savait représenter que des hommes. Ces mêmes critiques avancent que Michel-Ange n’employait pas de femmes comme modèles, qu’il n’utilisait que des hommes, même pour ses représentations féminines. Pour faire une femme, il collait deux boules en guise de seins et une tête de femme sur un corps d’homme. On remarquera en effet les fesses d’athlète de la belle ainsi que ses 2 seins ronds qui font l’effet de postiches. On pourrait faire la même remarque pour d’autres femmes de Michel-Ange, comme Léda (voir l’article « Le missionnaire de Michel-Ange et la levrette de Klimt : les positions perdues de Léda« ) ou la Vénus copiée par Pontormo (voir « Vénus incestueuse ?« ).

Il y a quelque chose de moderne dans ces femmes musclées aux poitrines-boules. Elles ne choquent pas l’oeil contemporain. Leur musculature et leurs seins ronds rappellent les bodybuildeuses aux poitrines siliconées qui sont peu à peu devenues des icônes sexuelles pour certain(e)s.

bodybuilder

Bodybuildeuse – Source : nude-femalebodybuilders.com

A la Renaissance, il n’y avait cependant si salle de musculation, ni silicone. Les artistes représentaient généralement les femmes avec de petits seins. Les femmes de Michel-Ange sont donc parfaitement anachroniques et je me demande ce qu’en pensaient les contemporaines de ce dernier.

Quelques décennies plus tard, le peintre Hendrick Goltzius (1558-1617) qui aimait, lui aussi, peindre des corps nus et musculeux, a représenté quelques poitrines qui feraient la fierté de cliniques de chirurgie esthétique.

Ainsi Minerve, peinte avec des seins en forme d’obus (ci-dessous).

Hendrick Goltzius

Minerve (détail) par Hendrick Goltzius – 1611 – Frans Hals Museum, Haarlem  – Source : Wikimedia – Photo : Niek Sprakel

Coïncidence cocasse, les deux femmes aux seins ronds sont accompagnées d’une chouette, animal nocturne (pour « La Nuit ») et symbole de la Sagesse (pour Minerve/Athéna). Seins, nuit, chouette… nous voilà en plein paradygme féminin, à tout le moins pour les représentations des femmes chères aux mythologies grecque et romaine.

« Sans pain et sans vin, pas d’Amour » dit en substance le vers du poète carthaginois Térence repris par Goltzius en 1600 (voir ci-dessous).

sine Cerere

Sine Cerere et Libero friget Venus (Sans Ceres et sans Bacchus, il fait froid auprès de Vénus – Traduction de Daniel de la Feuille, 17ème siècle) par Hendrick Goltzius – 1600-1603 – Philadelphia Museum of Art – Source : Wikimedia / Google Art Project

Le peintre a pourtant essayé de mettre tous les atouts du côté de la déesse de la beauté et de l’amour en la dotant d’une poitrine que peu (pas ?) de femmes développent naturellement.

La jolie fille photographiée par Andrey Starchenko (ci-dessous) a le même type de seins et, franchement, je doute qu’ils soient naturels.

andrey starchenko

Photo par Andrey Starchenko  – Source : photodom.com

Une fois de plus, je me pose la question : « A quoi sert l’article que je viens d’écrire ? »

A faire remarquer que certains artistes avaient imaginé les seins siliconés avant que la science ne les rende possibles ?

A rappeler que l’idéal fémininin de Michel-Ange était la bodybuildeuse, avant même que celle-ci n’existe ?

Admettons…

Seins : Le combat symbolique

Les seins font la une. Après les actions topless des Femen et la mastectomie d’Angelina Jolie, voici la plainte déposée le 15 mai 2013 par Holly van Voast contre la police de New-York pour faire respecter la décision de justice qui autorise depuis 1992 les femmes de l’état de New-York à se promener torse nu dans la rue (suite à l’arrestation de plusieurs femmes « qui avaient dénudé la zone de leur corps située sous le haut de l’aréole » dans un parc de Rochester).

holly van voast msn

L’activiste et photographe Holly van Voast attend l’arrivée de Bill Clinton à New York – 9 novembre 2011 – Source : msn.com

Cela rappelle des combats plus anciens comme le « brûlage de soutiens-gorges » des féministes de 68 ou les seins nus de la femme qui proteste les propositions traditionnalistes (et favorables à la famille) de Jean Royer en 74.

Alors, pourquoi tant de bruit autour des seins de la femme ?

Une femme effectue un strip-tease lors d’un meeting du candidat à l’élection présidentielle Jean Royer, le 26 avril 1974 à Toulouse. Ph. DR

Une femme montre ses seins lors d’un meeting à Toulouse de Jean Royer, candidat à l’élection présidentielle – 26 avril 1974 – Ph. DR – Source : Le Bien Public

D’abord, un constat : Dans la société occidentale contemporaine, les tabous qui entourent le pénis et ceux qui entourent le vagin sont plus ou moins les mêmes. Il y a cependant des tabous qui concernent les seins de la femme et non la poitrine de l’homme. Pourquoi ?

Il y a, je pense, deux traditions qui expliquent cette différence de traitement : la pudeur grecque et la valorisation (déification ?) de l’allaitement maternel.

PUDEUR GRECQUE

Dans la société grecque antique, les femmes étaient des citoyens de seconde zone (elles n’étaient d’ailleurs pas des citoyens, tout comme les enfants, les esclaves et les étrangers : la citoyenneté était réservée aux hommes adultes, tradition qui se perpétuera dans le système électoral français jusqu’en 1944, année de l’ouverture du scrutin aux femmes). Les femmes mariées restaient à la maison et sortaient voilées. Cette pudeur (ce « voilage ») n’était pas exigée des hommes (voir « Homme nu, femme habillée : un concept très antique« ).

Même dans la statuaire antique, seule Aphrodite apparaît parfois nue, suite à la « révolution » initiée par Praxitèle lorsqu’il vendit sa statue de déesse dénudée aux habitants de Cnide (voir « Le jour où commença le culte du corps féminin« ). Encore faut-il ajouter que si l’Aphrodite de Cnide cachait son pubis de la main, les Venus Pudica ultérieures cacheront également leur poitrine (voir « La Vénus doublement pudique« ).

VALORISATION DE L’ALLAITEMENT MATERNEL

A la différence de l’homme, la femme enfante et allaite. Cette particularité de la plus haute importance, voire même ce mystère, a sans nul doute fait l’objet de respect et de vénération depuis les temps les plus reculés : citons les déesses-mères, les idoles de fécondité, Astarte, les idoles crétoises (voir « Idoles qui se pressent les seins« ), Isis qui allaite Horus et, bien sûr, Marie qui allaite Jésus.

Par fusion de ces deux traditions (pudeur grecque et valorisation du sein qui nourrit), le seul sein nu acceptable est le sein allaitant. En dehors de ce cas particulier, une femme qui montre ses seins ne peut être qu’une prostituée (ou toute profession assimilée telle que musicienne, danseuse ou, parfois, bergère). Pour simplifier, une femme qui montre ses seins est soit une respectable mère allaitante, soit une pute.

Se battre pour une égalité de statuts entre la poitrine de la femme et celle de l’homme, c’est donc se battre contre les traditions relatives à la pudeur et à l’allaitement (donc à la famille). C’est dire : « Les seins ? Bof, ce n’est pas très important ». C’est là que la mastectomie d’Angelina Jolie rejoint la plainte d’Holly van Voast.

[Voir aussi : « Le sein, une histoire » par Marilyn Yalom, Galaade Editions, 2010 et « Pudeurs féminines » par Jean-Claude Bologne, Editions du Seuil, 2010]

Portrait de femme qui presse son sein par Bettina Rheims


Ce très célèbre portrait de la femme à l’imperméable vert pris le 7 novembre 1991 à Paris est utilisé comme couverture pour le livre « Chambre Close » édité par Gina Kehayoff Verlag en 2000. Il est écrit par Serge Bramly (né en 1949) et illustré par la photographe  Bettina Rheims (née en 1952).

Après le billet sur les figurines cypriotes de femmes qui pressent leurs seins, cette photo confirme pour moi que cette pose est une attitude de prise de contrôle / de reconquête du pouvoir par la femme qui dispose de son corps comme elle le souhaite en affirmant sa féminité et en jouant avec elle.

Source : theformofbeauty.tumblr.com

Idoles qui se pressent les seins

Les anciennes cultures et civilisations des bords de la Mer Noire, de la Caspienne et du Proche Orient ont fourni de très nombreuses représentations de femmes qui tiennent leurs seins dans leurs mains (je reviendrai plus tard – un jour …. – sur le cas d’Astarte).

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[A gauche : Figurine de femme en terre cuite de la culture de Hamangia-Baïa en Roumanie, datée de 5000-4600 avant JC et conservée au Musée National  d’Histoire de la Roumanie à Bucarest – Dimensions : 19 cm (H) x 8 cm (L) – Source : Institute for the Study of the Ancient World, New York University – A droite : Statuette de femme en céramique creuse du 1er millénaire avant JC d’une hauteur de 31,3 cm, originaire du nord-ouest de l’Iran (région de la Caspienne), conservée au Metropolitan Museum, New York – Source : MET]

Personne ne sait précisément ce que représente ce geste. L’interprétation la plus évidente consiste dans une « présentation » des seins, une mise en avant de la féminité (de la capacité à nourrir ? de la fécondité ?).

Dans la société actuelle, l’image d’une femme qui présente ses seins (je ne parle pas de « montrer » ou « dévoiler ») n’est pas fréquente. Voici à quoi ça ressemble :

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Photo par Grzegorz Zawadzki

Ce n’est pas une pose naturelle. Il y a beaucoup de respect et d’attention portés aux seins, comme à l’occasion d’un rite ou d’un culte en leur honneur.

Sur l’île de Chypre, la mission Couchoud a trouvé en 1903 une statuette très particulière de femme assise qui se presse les seins.

A la réflexion, on peut se demander si d’autres figurines qui se tiennent la poitrine (comme la statuette de femme « à tête d’oiseau » ci-dessous à droite) ne représentent pas également une femme qui se presse les seins.

La question peut sembler triviale mais je la trouve en fait intéressante.

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[A gauche : Idole de fécondité : Figure féminine assise pressant ses seins – Statuette de terre cuite de 12 cm (H) x 6,10 cm (L) x 8,60 cm (Pr), datée du 4ème millénaire avant JC, trouvée dans la région d’Alaminos (district de Larnaca, Chypre), conservée au musée du Louvre – Source : RMN (c) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski – A droite : Statuette de femme en terre cuite, originaire de Chypre, datée de 1725-1450 avant JC et conservée au Metropolitan Museum, New York – Dimension : 26,5 cm (H) – Source : MET]

Intéressante, cette question, car la représentation d’une femme qui se presse les seins est quelque chose de très rare, même dans l’iconographie érotique et porno actuelle, pourtant abondante. On y trouve pléthore de femmes qui montrent leurs seins ou qui les cachent ou qui les dévoilent en partie (parfois avec leurs mains ou leurs bras)… Bref, il s’agit de strip-tease. Voici ci-dessous à gauche une des rares photos de femme qui se presse les seins que j’ai pu trouver.

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[A gauche : Photo Oliver Marzischewski, source : yandex – A droite :  galleries.adult-empire.com]

L’image est sensuelle, bien sûr, mais elle a surtout quelque chose d’impudique, voite même d’obscène, que j’attribuerai à un changement de point de vue sur la femme. Cette dernière est ici dans une situation de pouvoir. Elle joue avec son corps comme elle l’entend et, plus particulièrement, avec ses attributs féminins.

On peut même aller un peu plus loin et se demander si la femme antique qui pressait ses seins ne s’amusait pas en fait à en faire jaillir le lait (cf photo de droite). Ce serait alors une façon pour elle de mettre en évidence sa capacité à nourrir (tout comme sa fécondité) et de jouer avec cela.

Il y aurait dans cette imagerie, je pense, une grande affirmation de pouvoir féminin, à la différence des images érotiques et pornographiques, habituellement machos et phallocrates car réalisées par des hommes, pour des hommes.

Féminité ? De quoi parle-t-on ?

Voici un petit billet qui va ressembler à un exercice. Le thème : « La féminité, c’est quoi ? » Attention ! Il ne s’agit pas parler de choses telles que l’élégance, la -fameuse !!!!- pudeur, le – fameux !- sentiment maternel, la capacité à faire plusieurs choses en même temps (Mais oui ! Tout le monde sait ça), etc. Non ! On se place strictement dans le corporel.

[Photos par Marcus J Ranum sur deviantart – Voir aussi les images libres de droit sur mjranum-stock]

Pour réfléchir à cela, voici Carly dont on trouve un très chouette « flyaround » (série de photos de Carly alors qu’elle tourne sur un plateau rotatif) sur le site deviantart de Marcus J Ranum.

Carly est magnifique. Elle est femme-femme-femme. Alors bien sûr, il y a le visage, les seins, la chatte, l’absence de pilosité, les formes rondes et lisses qui en font à coup sûr, au premier regard, une femme.

Mais il y a autre chose. Une chose évidente chez Carly : La largeur de son bassin et les fesses qui vont avec. La taille fine mais un bassin large et des jambes écartées (ou devrais-je plutôt dire « des cuisses évasées »), c’est un truc de nana : un jour ou l’autre, il faut bien faire un mouflet qui se logera dans le ventre et qui passera, de la tête et des épaules, entre les jambes.

Regardez bien ! Le ventre de Carly et la forme de ses jambes, c’est 100% féminin. Introuvable chez un mec.

Maintenant que j’ai dit ça, je vais écrire quelques billets sur les jambes des femmes (qui sont tellement mieux que celles des mecs, non ?)

Félix Vallotton – « La Haine » – 1908 – Musée d’Art et d’Histoire de Genève

Je vais m’intéresser plus particulièrement à la forme des jambes. Regardez la femme peinte par Vallotton : Des genoux serrés mais des pieds écartés et des jambes qui s’évasent vers le bassin. On en reparle…

Collet monté ?

Dans mon billet précédent (« L’art de montrer les épaules par JPG« ), je me lamentais sur la mode moderne et le peu d’attention qu’elle porte aux épaules.  Mais non ! Finalement, pas d’angoisse pour le décolleté !

[Ci-dessus : Défilé Printemps-été 2013 Haider Ackermann, Paris – Source : vogue.it]

La Fashion Week parisienne de ces 15 derniers jours (saison Printemps-été 2013) a vu défiler plein de mannequins décolletées chez Christian Dior, Martin Margiela et Haider Ackermann.

J’aurais pu montrer beaucoup de photos d’épaules découvertes par de larges décolletés mais après les illustrations des posts précédents, il y aurait eu un goût de « déjà vu ».

A la place, j’ai préféré présenter les cols remontés d’Haider Ackermann qui n’empêchent pas une grande sensualité.

[Ci-dessus : Défilé Printemps-été 2013 Haider Ackermann, Paris – Source : vogue.it]

Revoici donc les « collets montés » du 19ème siècle… en beaucoup moins pudiques.

Ackermann, grand amateur de transparence dans sa collection précédente, nous rappelle – s’il y en avait besoin – que c’est la subtilité du caché-découvert qui garantit la sensualité d’un vêtement.

Je me permets, dans la foulée, de faire un flashback sur la collection automne-hiver de Jean-Paul Gaultier (encore lui !).

Julia Schoenberg – Défilé Haute Couture Jean-Paul Gaultier 2012-2013 – Source : foto.delfi.lv

JPG a en effet présenté un très bel exemple de collet-monté impudique sur la personne de Julia Schoenberg. Les plus ancien(ne)s y auront décelé certaines ressemblances avec un des modèles présentés par Olivier Theyskens pour sa collection printemps-été en 1999.

Et je ne passerai pas sur une autre très belle création de JPG qui, elle aussi, cache le cou pour mieux valoriser les seins. Celle-ci me rappelle également un modèle plus ancien dont j’ignore le créateur.

Georgina Stojilkovic – Défilé Haute Couture Jean-Paul Gaultier Automne-Hiver 2012-2013 – Source : Vogue.it

Voilà !

J’arrête les décolletés pour l’instant. Il est temps de passer à autre chose.

Eugénie et son amour de la gorge nue

Le billet précédent était consacré à la robe de bal (aussi appelée robe du soir), seul vêtement décolleté de la garde-robe féminine de la fin du 19ème siècle. Il m’a permis de m’intéresser à Eugénie de Montijo, impératrice des Français de 1853 à 1870 et toujours représentée en robe de bal.

Franz Xaver Winterhalter – « Portrait de l’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur » – 1855 – Musée national du château de Compiègne – Source : wikimedia commons

Au vu de la fameuse toile de Winterhalter (1805-1873) qui représente l’impératrice entourée de ses dames d’honneur (pourquoi appelle-t-on ces dames de compagnie des dames d’honneur ?), on pourrait même se demander si Eugénie et son entourage vivaient toute la journée en robe du soir.

J’ai trouvé très amusant d’apprendre dans le livre de JC Bologne déjà maintes fois cité qu’Eugénie n’hésitait pas à virer de sa loge des dames « collet monté » qui ne montraient pas suffisamment leur gorge. On peut supposer que le fort goût pour le grand décolleté qu’entretenait Eugénie a contribué à la diffusion de cette mode vestimentaire au sein de l’aristocratie et de la bourgeoisie française et européenne.

Il existe plusieurs très beaux portraits d’Eugénie en robe à grand décolleté (qui montre ses épaules), notamment ceux d’Edouard Dubufe visible à Compiègne et de Claude Dubufe conservé à Versailles, mais aucun n’est aussi connu que celui exécuté par Winterhalter pour le sacre de l’impératrice en 1853. En effet, ce tableau dont l’original semble se trouver au Napoleonmuseum Thurgau au château Arenenberg en Suisse (à moins qu’il ne soit au Museo Napoleonico de Rome), a été copié en de nombreux exemplaires visibles dans divers musées et préfectures. Regardez bien ce détail du portrait :

Détail du portrait d’Eugénie, Impératrice des Français – d’après Franz Xaver Winterhalter – 1853 – Source : wikimedia commons

Que penser du décolleté d’Eugénie ? N’est-il pas incroyablement profond ? Je ne pense pas délirer en avançant qu’on voit en fait le côté du sein droit, judicieusement couvert par le collier de perles de l’impératrice. Voilà donc un portrait terriblement osé et sensuel, diffusé par voie officielle sur tout le territoire national ! Bravo, Eugénie.

Le bal : Seul endroit où la poitrine respirait

Ainsi le 19ème siècle fut-il un siècle rétrograde pour la femme (voir billet « Homme fort, femme faible ?« ) !

Je pense que ça peut se deviner dans l’habillement de l’époque. Après l’excentricité des Merveilleuses du Directoire (voir « Liberté, Egalité, Sexualité ?« ) et les robes ouvertes au ras du téton des dames de l’Empire (cf « Les vertigineux décolletés de l’Empire« ), les femmes de la Restauration, du Second Empire et de la Troisième République remontent leurs cols et ferment les boutons.

Jean Béraud – La Pâtisserie Gloppe – 1889 – Musée Carnavalet, Paris – Source : Wikimedia Commons

Ce n’est pas parce qu’il fait froid que les clientes de la pâtisserie Gloppe sont  couvertes de la tête aux pieds (regardez bien : seule la peau du visage et des mains dépasse !) mais parce que c’est comme ça qu’il faut s’habiller. Les promeneuses peintes en 1909 par Joaquin Sorolla sur une plage ensoleillée n’exposent pas plus de peau. Vérifiez toutes les peintures et tous les daguerréotypes que vous pourrez trouver ! C’est toujours ainsi. Pendant un siècle, entre l’Empire et les Années Folles, le corps des femmes est entièrement camouflé dans des vêtements qui ne laissent à nu que la tête et les mains. Remarquez que c’est la même chose pour les hommes, engoncés dans leur costumes.

Il existait cependant pour les femmes, dans ce monde sans chair apparente, un moment d’exception ; Un moment où il fallait découvrir sa poitrine et ses épaules : Le bal.

Charles Chaplin – « Prête pour le bal masqué » – Collection particulière – Source : artmight.com

J’ai longtemps cherché une scène de soirée parisienne comme parallèle à la scène de jour de la pâtisserie Gloppe. Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais. Il y avait bien le « bal » de Julius Leblanc Stewart (1855-1919) mais faute d’informations précises sur cette oeuvre (Est-ce une photo colorisée ? Quand fut-elle réalisée ? Où se passe ce bal ?…), j’ai laissé tomber. Quant au tableau « Une soirée » de Jean Béraud (1848-1935), il montre plus les hommes que les femmes.

A la place, je suis heureuse d’afficher une oeuvre assez peu connue de Chaplin (1825-1891), peintre portraitiste de grand talent, très intéressé par les épaules et les  poitrines, ainsi que par les très jeunes filles, leur colombe et leur nid (il faudra absolument que je consacre un billet à cela !). Le tableau représente une jeune femme prête pour le bal (masqué) et vêtue d’une robe profondément ouverte.

Je ne résiste pas au plaisir d’ajouter le portrait d’une autre jeune femme dans une robe de bal, également avec un « grand décolleté » (le nec plus ultra du décolleté,  qui dégage les épaules) exécuté par Berthe Morisot (1841-1895).

Berthe Morisot – « Au bal » ou « Femme à l’éventail » – 1875 – Musée Marmottan-Monnet, Paris – Source : the-athenaeum.org

La « jeune femme en robe de bal » du musée d’Orsay, peinte 4 ans plus tard par la même Berthe Morisot, vaut également un clic.

Dans « Pudeurs Féminines » (Editions du Seuil, 2010, pp 227-230) Jean-Claude Bologne expose la complexité des codes de l’habillement féminin à la fin du 19ème siècle. La robe à grand décolleté est le vêtement qui convient (en latin decet) pour le bal. C’est le vêtement décent pour l’occasion. Mais certaines femmes ne le trouvent pas assez pudique et réduisent l’échancrure du col ou le couvrent d’une étoffe. D’autres remontent franchement leur col. La jeune femme en jaune peinte dans « Evening » par James Tissot en 1885 fait  de toutes évidences partie de ces bêcheuses au « collet monté ».

Notez que la robe décolletée est en fait une robe de sortie ou robe du soir. Elle s’utilise pour le bal, bien sûr, mais aussi pour le théâtre, pour l’opéra ou pour un dîner mondain. L’Américaine Mary Cassatt (1844-1926), une élève de Charles Chaplin, a peint plusieurs portraits de femmes à l’Opéra de Paris :

Mary Cassatt – « Woman (vraisemblablement Lydia, la soeur de Mary) with a Pearl Necklace in a Loge » ou « Dans la Loge » – 1879 – Philadelphia Museum of Art – Source : Wikimedia Commons

PS : Les illustrations que j’ai choisies nous ont emmenés dans le petit monde de la bourgeoisie et de l’aristocratie parisienne. La situation était tout à fait similaire dans la haute société des autres pays européens (cf « Hush ! » de James Tissot qui nous présente une soirée mondaine à Kensington en 1875). Quant au « petit peuple », qu’il soit parisien ou provincial, sa garde-robe était plus limitée et sûrement pas plus déshabillée.

Petite contribution au Boob Art

Je ne sais pas si le Boob Art, Breast Art ou Tits Art existe au même titre que le Penis Art mais, en admettant que oui, j’aimerais faire une petite contribution personnelle. Ca fait plusieurs jours que j’écris sur les seins et les tétons  en utilisant le matériau des autres. Il est temps d’y mettre du mien…

… modestement (ce n’est pas le Seascape #17) …

… en espérant que ça plaise.

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