Il faut que je rende justice à Nicolas Rolin.
Rogier van der Weyden (Roger de la Pasture) - Nicolas Rolin et Guigone de Salins sur le Polyptyque du Jugement Dernier (détail des volets fermés, en noir et blanc) - 1443/46 - Hôtel-Dieu, Beaune - Source : Bildarchiv Foto Marburg (bildindex.de)
Dans un article précédent (voir « La madonne couronnée de Jan van Eyck« ), j’ai insisté sur ses 3 femmes officielles, ses 7 enfants légitimes, ses 3 maîtresses connues et ses 2 bâtards reconnus. Bref, j’ai dessiné la caricature de l’homme à femme qui traîne sa bite un peu partout (« I know what you are, what you are, baby / Womanizer / Woman-Womanizer / You’re a womanizer / Oh Womanizer /Oh You’re a Womanizer Baby / You, You You Are / You, You You Are / Womanizer, Womanizer, Womanizer… », comme chanterait Britney Spears).
Mais en fait, non ! Enfin… je ne pense pas.
Le 20 décembre 1423, le très riche et puissant Nicolas Rolin, 47 ans, chancelier du duc de Bourgogne Philippe le Bon, épouse à Lons-le-Saunier Guigone de Salins, 20 ans. Elle sera sa dernière épouse et lui donnera 3 enfants. Ces deux-là vivront une relation fusionnelle toute entière illustrée par leur grande oeuvre commune : L’inauguration en 1443 de l’ « hôpital pour les pôvres malades » (maintenant l’Hôtel-Dieu) de Beaune, ville où Guigone passa son enfance. Regardez ce mur de la « grande salle des pôvres » :
En haut à gauche, dans le blason, les armes des Rolin (3 clés d’or) associées à la tour des Salins. Partout, le nouveau monogramme du chancelier (le N d’or de Nicolas entrelacé avec le G noir de Guigone) et, surtout, la nouvelle devise du chancelier : Le mot « Seulle » suivi d’une étoile d’or à six branches, en l’honneur de sa femme, désormais « Seule étoile » de sa vie. C’est pas mignon, ça !!!!
Alors, et ses maîtresses ? Et ses bâtards ? C’était avant. Certains disent même qu’il n’a jamais trompé aucune de ses femmes. Les maîtresses, c’était pendant les périodes de célibat (ses deux premières femmes sont mortes). Quant aux enfants qui sont nés de ces liaisons, il les aurait tous reconnus et richement pourvus. C’est ce qu’on dit. Et c’est peut-être vrai.
Est-ce que cela remet en cause mon interprétation de la peinture de Jan van Eyck, « la Vierge du chancelier Rolin », peinte 12 ans après le mariage avec Guigone ? A la réflexion, je ne pense pas. Au contraire, même ! Cette attirance de Rolin pour Marie ne représente-t-elle pas sa liaison avec Guigone ? D’ailleurs, Marie est partout aux Hospices de Beaune. On est en terre catholique, bien sûr, et cela explique sa présence mais Guigone n’est-elle pas la Marie de Rolin comme Galatée était la Vénus de Pygmalion (voir article précédent) ? La « Seule étoile » du très croyant chancelier pourrait aussi bien être Guigone que Marie.
A ceux qui pensent que je plane complétement, je me permets de rappeler la devise adoptée en 1396 lors de la bataille de Nicopolis par le chevalier bourguignon Régnier Pot, futur châtelain de La Roche-Pot, près de Beaune : « A la Belle, tant elle vault ». Qui donc est cette « Belle » à laquelle Pot dédie ses actions ? Vénus ? Non, bien sûr. Il s’agit de Marie.