Puisque je parlais de seins dans mon dernier billet (écrit il y a 3 mois !), j’ai envie de m’attarder un peu sur la poitrine de l’allégorie de la nuit (voir photo ci-dessous) qui se trouve dans la Nouvelle Sacristie des chapelles des Médicis à Florence.
« La Nuit » (détail) par Michel-Ange – Tombe de Julien, duc de Nemours , Nouvelle Sacristie, Chapelles des Médicis, Basilique San Lorenzo, Florence – 1520-1534 – Source : Wikimedia
Cette oeuvre de Michel-Ange (1475-1564) a apporté de l’eau au moulin des critiques qui considèrent que le grand artiste italien ne savait représenter que des hommes. Ces mêmes critiques avancent que Michel-Ange n’employait pas de femmes comme modèles, qu’il n’utilisait que des hommes, même pour ses représentations féminines. Pour faire une femme, il collait deux boules en guise de seins et une tête de femme sur un corps d’homme. On remarquera en effet les fesses d’athlète de la belle ainsi que ses 2 seins ronds qui font l’effet de postiches. On pourrait faire la même remarque pour d’autres femmes de Michel-Ange, comme Léda (voir l’article « Le missionnaire de Michel-Ange et la levrette de Klimt : les positions perdues de Léda« ) ou la Vénus copiée par Pontormo (voir « Vénus incestueuse ?« ).
Il y a quelque chose de moderne dans ces femmes musclées aux poitrines-boules. Elles ne choquent pas l’oeil contemporain. Leur musculature et leurs seins ronds rappellent les bodybuildeuses aux poitrines siliconées qui sont peu à peu devenues des icônes sexuelles pour certain(e)s.
Bodybuildeuse – Source : nude-femalebodybuilders.com
A la Renaissance, il n’y avait cependant si salle de musculation, ni silicone. Les artistes représentaient généralement les femmes avec de petits seins. Les femmes de Michel-Ange sont donc parfaitement anachroniques et je me demande ce qu’en pensaient les contemporaines de ce dernier.
Quelques décennies plus tard, le peintre Hendrick Goltzius (1558-1617) qui aimait, lui aussi, peindre des corps nus et musculeux, a représenté quelques poitrines qui feraient la fierté de cliniques de chirurgie esthétique.
Ainsi Minerve, peinte avec des seins en forme d’obus (ci-dessous).
Minerve (détail) par Hendrick Goltzius – 1611 – Frans Hals Museum, Haarlem – Source : Wikimedia – Photo : Niek Sprakel
Coïncidence cocasse, les deux femmes aux seins ronds sont accompagnées d’une chouette, animal nocturne (pour « La Nuit ») et symbole de la Sagesse (pour Minerve/Athéna). Seins, nuit, chouette… nous voilà en plein paradygme féminin, à tout le moins pour les représentations des femmes chères aux mythologies grecque et romaine.
« Sans pain et sans vin, pas d’Amour » dit en substance le vers du poète carthaginois Térence repris par Goltzius en 1600 (voir ci-dessous).
Sine Cerere et Libero friget Venus (Sans Ceres et sans Bacchus, il fait froid auprès de Vénus – Traduction de Daniel de la Feuille, 17ème siècle) par Hendrick Goltzius – 1600-1603 – Philadelphia Museum of Art – Source : Wikimedia / Google Art Project
Le peintre a pourtant essayé de mettre tous les atouts du côté de la déesse de la beauté et de l’amour en la dotant d’une poitrine que peu (pas ?) de femmes développent naturellement.
La jolie fille photographiée par Andrey Starchenko (ci-dessous) a le même type de seins et, franchement, je doute qu’ils soient naturels.
Une fois de plus, je me pose la question : « A quoi sert l’article que je viens d’écrire ? »
A faire remarquer que certains artistes avaient imaginé les seins siliconés avant que la science ne les rende possibles ?
A rappeler que l’idéal fémininin de Michel-Ange était la bodybuildeuse, avant même que celle-ci n’existe ?
Admettons…