Archives de Catégorie: Barthel Beham

Le bain selon les frères Beham : Peu de lavage, beaucoup de tripotage

Les frères Beham ne sont pas vraiment prudes : Hans Sebald (1500-1550) et son frère cadet Barthel (1502-1540) représentent à tour de bras des paysans qui se tripotent ou qui s’embrassent (et pas mal de mecs qui vomissent leur quatre heures), des vieux qui pelotent des jeunes, des bites qui pendent, des types qui tiennent la bite d’un autre et, bien sûr, des chattes. Très peu d’artistes occidentaux ont jamais montré la fente du sexe de la femme (cf « En Orient, le femme a le pubis fendu« ) et c’est aussi le cas au 16ème siècle, époque confuse de la Renaissance, époque de raffinement artistique et d’affrontements sanglants entre catholiques et protestants, époque de la prostitution à grande échelle pour les unes et des femmes voilées pour les autres. Pourtant, les Beham, eux, n’hésitent pas : leurs femmes écartent les cuisses et présentent leur fente au monde (quand elles ne se la font pas tripoter). Le moment du bain est parfait pour exposer tous ces attributs. Exemples :

Hans Sebald Beham, Frau mit zwei Kindern in der Badestube (femme avec deux enfants dans la salle de bains), apr. 1540, gravure visible entre autres à la Kunsthalle zu Kiel et au musée du Louvre (sous le titre de "La femme se lavant les pieds")

Cette femme nue qui se regarde dans un miroir, affairée à sa toilette  avec deux putti pour l’assister, est vraisemblablement une Vénus. La ressemblance avec la Vénus au miroir peinte par le Titien en 1555 est frappante… en plus cru ! Jambes écartées, pubis rasé, lèvres du sexe apparentes : les frères Beham n’hésitent pas à montrer la femme sous toutes les coutures, en partie par goût personnel sans doute, en partie peut-être aussi pour assurer le succès commercial de leurs créations, sortes de précurseurs des BD pour adultes.

Cette gravure est aussi un travail collectif des deux frères puisqu’on pense que la petite cuve et les deux putti ont été ajoutés par Hans Sebald à une planche originale de son frère (Barthel, bien que deux ans plus jeune que Sebald, est mort 10 ans avant son frère aîné).

Hans Sebald Beham, Les trois femmes au bain, 1548, visible entre autres au musée du Louvre

La pose de cette femme-là est pour le moins inhabituelle : debout, les jambes largement écartées, un putto devant, une femme vieille et grasse derrière qui lui caresse le sexe pendant qu’une troisième femme lui masse le dos !

Il s’agit encore d’une sorte d’oeuvre « collective » puisque cette gravure de Hans Sebald est la copie inversée d’un original de Barthel que l’on peut voir au Louvre.

Hans Sebald Beham, Le bouffon et les baigneuses, 1541, visible entre autres au musée du Louvre et à l'Art Institute de Chicago

Et voici la dernière image de « femme au bain » par les Beham que j’ai pu trouver. Cette fois-ci, pas de femmes qui s’admirent dans un miroir ou qui se tripotent mais deux femmes nues qui, pendant leur bain, s’attaquent à un bouffon pour le déshabiller. Pas de fente apparente ici, mais 1 bite et ses 2 petites couilles.

Les gravures des Beham étaient conformes à leur vision du monde souvent non orthodoxe, voire « révolutionnaire »… et elles leur apportèrent quelques ennuis. Après un séjour de Thomas Münzer à Nuremberg en 1524, les jeunes frères Beham et leur ami (et collègue graveur) Georg Pencz sympathisent avec les idées du pasteur réformateur et ancien disciple de Luther. On peut cependant douter que les trois compères rejoignent le mouvement de Münzer (qui préconise la « guerre des paysans » contre les princes et le clergé pour travailler moins et consacrer plus de temps à Dieu ), vu la foi très incertaine des Beham et de Pencz. En janvier 1525, les trois artistes, surnommés « gottlosen » (sans Dieu, impies), sont arrêtés avec d’autres accusés et traduits en justice. Alors que la ville est partagée sur les questions religieuses (cette même année, le conseil municipal soutenu par la majorité de la population décidera de réformer la ville suivant les idées de Martin Luther), ils sont condamnés à la peine relativement légère du bannissement. En 1527, Barthel s’installe à Munich où il deviendra le peintre officiel de la cour de Bavière. En 1528, Sebald retourne à Nüremberg d’où il est de nouveau expulsé l’année suivante, cette fois-ci pour diffusion d’oeuvres pornographiques. Il part travailler à Munich puis, à partir de 1532, il s’installe définitivement à Francfort où il tiendra un bar « mal famé » jusqu’à sa mort.

(Sur le procès des frères Beham et le bar mal famé de Sebald à Francfort, voir le livre de Jean Wirth « La jeune fille et la mort. Recherches sur les thèmes macabres dans l’art germanique de la Renaissance. » Genève, Librairie Droz, 1979)

Femmes voilées au temps d’Holbein

Après le portrait d’Anne de Clèves, j’ai eu envie de mettre sur le blog une autre peinture célèbre d’Hans Holbein le Jeune :

Darmstädter Madonna par Hans Holbein le Jeune - 1526-28 - Normalement exposée au Schlossmuseum de Darmstadt, prêtée depuis 2004 au musée du Städel à Francfort

Au pied de la madonne, se trouvent le commanditaire de l’oeuvre, le maire de la ville de Bâle, Jakob Meyer zum Hasen, ainsi que sa première femme, alors décédée, sa seconde femme et sa fille (à droite toutes les trois). Ce qui m’interpelle, sur cette toile, c’est la coiffure des femmes :

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1526, en Suisse : 2 femmes voilées. A l’époque où Hans Sebald Beham gravait à tour de bras des images mythologiques ou bibliques de femmes nues, à l’époque où Lucas Cranach peignaient des bourgeoises en bijoux et chapeaux, voici soudain deux austères femmes voilées. Deux exceptions ? Pas vraiment si on considère ce portrait de jeune fille exposé au Mauritshuis de La Haye et réalisé par le même Hans Holbein vers 1520-1525 (image decadence-europa.over-blog.com) :

Les coiffes de nonne abondent déjà en 1503 au sein de la famille d’Ulrich Schwartz, peinte par Holbein l’Ancien, père d’Holbein le Jeune. Et les femmes voilées ne sont pas un thème réservé aux Holbein, puisqu’on en trouve d’autres, peintes par des peintres allemands de la même époque, ainsi pour Barthel Beham (1502-1540) avec son portrait de Margaret Urmiller (Joli voile islamique, non ? Non. C’est un voile chrétien.) :

Portrait de Margaret Urmiller et sa fille - Barthel Beham - 1525 - Philadelphia Museum of Art (image du musée)

Notons aussi que ce voile n’est pas une passade du début du XVIème siècle et qu’il ne se limite pas à l’Allemagne ou à la Suisse alémanique : Un siècle plus tôt, déjà, Rogier van der Weyden peignait en Flandre une femme à la coiffe imposante.

Toutes les femmes ne s’habillaient pas de la même façon et, au début du XVIème siècle, une coiffe type « bonnet de rasta-man » semblait très populaire. On la trouve notamment sur la tête de Sybille von Freyberg peinte par Bernhard Strigel (1465-1528) ou sur la femme au perroquet peinte en 1529 par Barthel Beham ou encore sur Ursula Rudolph, peinte l’année précédente par le même Beham.

Et à côté de ces femmes qui cachent leurs cheveux sous des voiles ou dans des coiffes, il y a celles qui portent uniquement un chapeau et toutes celles qui se baladent tête nue. Alors que Venise commence son siècle du libertinage et de la prostitution (cf article « Pourquoi la prostituée est blonde« ), les idées austères de Martin Luther se répandent en Europe. Trois siècles après l’extermination des Cathares (qui détestaient tout ce qui était « terrestre »  et exigeaient l’abstinence de leurs ouailles) et 30 ans après l’éxécution du « prophète » fanatique Jérôme Savonarole (qui imposait aux Florentines de se cacher du regard des hommes), voici que les premières guerres de religion éclatent en Europe (1529, en Suisse justement) entre catholiques et protestants.

En ces temps tourmentés, les différences de croyances et d’interprétation des mêmes textes saints pouvaient se repérer facilement : Il suffisait de regarder les têtes des femmes. Oh ! Quelle surprise ! Ce n’est pas à nous que ça risque d’arriver. Non ?