Archives de Catégorie: Déesses-mères et autres idoles fécondes

Seins : Le combat symbolique

Les seins font la une. Après les actions topless des Femen et la mastectomie d’Angelina Jolie, voici la plainte déposée le 15 mai 2013 par Holly van Voast contre la police de New-York pour faire respecter la décision de justice qui autorise depuis 1992 les femmes de l’état de New-York à se promener torse nu dans la rue (suite à l’arrestation de plusieurs femmes « qui avaient dénudé la zone de leur corps située sous le haut de l’aréole » dans un parc de Rochester).

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L’activiste et photographe Holly van Voast attend l’arrivée de Bill Clinton à New York – 9 novembre 2011 – Source : msn.com

Cela rappelle des combats plus anciens comme le « brûlage de soutiens-gorges » des féministes de 68 ou les seins nus de la femme qui proteste les propositions traditionnalistes (et favorables à la famille) de Jean Royer en 74.

Alors, pourquoi tant de bruit autour des seins de la femme ?

Une femme effectue un strip-tease lors d’un meeting du candidat à l’élection présidentielle Jean Royer, le 26 avril 1974 à Toulouse. Ph. DR

Une femme montre ses seins lors d’un meeting à Toulouse de Jean Royer, candidat à l’élection présidentielle – 26 avril 1974 – Ph. DR – Source : Le Bien Public

D’abord, un constat : Dans la société occidentale contemporaine, les tabous qui entourent le pénis et ceux qui entourent le vagin sont plus ou moins les mêmes. Il y a cependant des tabous qui concernent les seins de la femme et non la poitrine de l’homme. Pourquoi ?

Il y a, je pense, deux traditions qui expliquent cette différence de traitement : la pudeur grecque et la valorisation (déification ?) de l’allaitement maternel.

PUDEUR GRECQUE

Dans la société grecque antique, les femmes étaient des citoyens de seconde zone (elles n’étaient d’ailleurs pas des citoyens, tout comme les enfants, les esclaves et les étrangers : la citoyenneté était réservée aux hommes adultes, tradition qui se perpétuera dans le système électoral français jusqu’en 1944, année de l’ouverture du scrutin aux femmes). Les femmes mariées restaient à la maison et sortaient voilées. Cette pudeur (ce « voilage ») n’était pas exigée des hommes (voir « Homme nu, femme habillée : un concept très antique« ).

Même dans la statuaire antique, seule Aphrodite apparaît parfois nue, suite à la « révolution » initiée par Praxitèle lorsqu’il vendit sa statue de déesse dénudée aux habitants de Cnide (voir « Le jour où commença le culte du corps féminin« ). Encore faut-il ajouter que si l’Aphrodite de Cnide cachait son pubis de la main, les Venus Pudica ultérieures cacheront également leur poitrine (voir « La Vénus doublement pudique« ).

VALORISATION DE L’ALLAITEMENT MATERNEL

A la différence de l’homme, la femme enfante et allaite. Cette particularité de la plus haute importance, voire même ce mystère, a sans nul doute fait l’objet de respect et de vénération depuis les temps les plus reculés : citons les déesses-mères, les idoles de fécondité, Astarte, les idoles crétoises (voir « Idoles qui se pressent les seins« ), Isis qui allaite Horus et, bien sûr, Marie qui allaite Jésus.

Par fusion de ces deux traditions (pudeur grecque et valorisation du sein qui nourrit), le seul sein nu acceptable est le sein allaitant. En dehors de ce cas particulier, une femme qui montre ses seins ne peut être qu’une prostituée (ou toute profession assimilée telle que musicienne, danseuse ou, parfois, bergère). Pour simplifier, une femme qui montre ses seins est soit une respectable mère allaitante, soit une pute.

Se battre pour une égalité de statuts entre la poitrine de la femme et celle de l’homme, c’est donc se battre contre les traditions relatives à la pudeur et à l’allaitement (donc à la famille). C’est dire : « Les seins ? Bof, ce n’est pas très important ». C’est là que la mastectomie d’Angelina Jolie rejoint la plainte d’Holly van Voast.

[Voir aussi : « Le sein, une histoire » par Marilyn Yalom, Galaade Editions, 2010 et « Pudeurs féminines » par Jean-Claude Bologne, Editions du Seuil, 2010]

Idoles qui se pressent les seins

Les anciennes cultures et civilisations des bords de la Mer Noire, de la Caspienne et du Proche Orient ont fourni de très nombreuses représentations de femmes qui tiennent leurs seins dans leurs mains (je reviendrai plus tard – un jour …. – sur le cas d’Astarte).

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[A gauche : Figurine de femme en terre cuite de la culture de Hamangia-Baïa en Roumanie, datée de 5000-4600 avant JC et conservée au Musée National  d’Histoire de la Roumanie à Bucarest – Dimensions : 19 cm (H) x 8 cm (L) – Source : Institute for the Study of the Ancient World, New York University – A droite : Statuette de femme en céramique creuse du 1er millénaire avant JC d’une hauteur de 31,3 cm, originaire du nord-ouest de l’Iran (région de la Caspienne), conservée au Metropolitan Museum, New York – Source : MET]

Personne ne sait précisément ce que représente ce geste. L’interprétation la plus évidente consiste dans une « présentation » des seins, une mise en avant de la féminité (de la capacité à nourrir ? de la fécondité ?).

Dans la société actuelle, l’image d’une femme qui présente ses seins (je ne parle pas de « montrer » ou « dévoiler ») n’est pas fréquente. Voici à quoi ça ressemble :

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Photo par Grzegorz Zawadzki

Ce n’est pas une pose naturelle. Il y a beaucoup de respect et d’attention portés aux seins, comme à l’occasion d’un rite ou d’un culte en leur honneur.

Sur l’île de Chypre, la mission Couchoud a trouvé en 1903 une statuette très particulière de femme assise qui se presse les seins.

A la réflexion, on peut se demander si d’autres figurines qui se tiennent la poitrine (comme la statuette de femme « à tête d’oiseau » ci-dessous à droite) ne représentent pas également une femme qui se presse les seins.

La question peut sembler triviale mais je la trouve en fait intéressante.

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[A gauche : Idole de fécondité : Figure féminine assise pressant ses seins – Statuette de terre cuite de 12 cm (H) x 6,10 cm (L) x 8,60 cm (Pr), datée du 4ème millénaire avant JC, trouvée dans la région d’Alaminos (district de Larnaca, Chypre), conservée au musée du Louvre – Source : RMN (c) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski – A droite : Statuette de femme en terre cuite, originaire de Chypre, datée de 1725-1450 avant JC et conservée au Metropolitan Museum, New York – Dimension : 26,5 cm (H) – Source : MET]

Intéressante, cette question, car la représentation d’une femme qui se presse les seins est quelque chose de très rare, même dans l’iconographie érotique et porno actuelle, pourtant abondante. On y trouve pléthore de femmes qui montrent leurs seins ou qui les cachent ou qui les dévoilent en partie (parfois avec leurs mains ou leurs bras)… Bref, il s’agit de strip-tease. Voici ci-dessous à gauche une des rares photos de femme qui se presse les seins que j’ai pu trouver.

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[A gauche : Photo Oliver Marzischewski, source : yandex – A droite :  galleries.adult-empire.com]

L’image est sensuelle, bien sûr, mais elle a surtout quelque chose d’impudique, voite même d’obscène, que j’attribuerai à un changement de point de vue sur la femme. Cette dernière est ici dans une situation de pouvoir. Elle joue avec son corps comme elle l’entend et, plus particulièrement, avec ses attributs féminins.

On peut même aller un peu plus loin et se demander si la femme antique qui pressait ses seins ne s’amusait pas en fait à en faire jaillir le lait (cf photo de droite). Ce serait alors une façon pour elle de mettre en évidence sa capacité à nourrir (tout comme sa fécondité) et de jouer avec cela.

Il y aurait dans cette imagerie, je pense, une grande affirmation de pouvoir féminin, à la différence des images érotiques et pornographiques, habituellement machos et phallocrates car réalisées par des hommes, pour des hommes.

Les autres femmes de Chypre

La République de Chypre a émis en 2007 un timbre représentant une « idole » féminine assise. On en a déjà parlé (voir « Les femmes accroupies de Chypre« ). Elle a aussi émis en 1975, pour l’année internationale de la femme, un timbre représentant une figurine féminine cruciforme. Depuis 2008, année de l’adoption de l’euro à Chypre, elle frappe ses pièces de 1 et de 2 euros avec l’image d’une autre statuette cruciforme : « L’idole de Pomos ».

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Idole de Pomos représentée sur une pièce cypriote de 2 euros

L’idole de Pomos a été trouvée près de Pomos sur la côte nord-ouest de Chypre. Elle est datée de 3000 avant JC et conservée au musée de Chypre à Nicosie. J’ai remarqué que le site du musée de Chypre l’identifie comme « idole de Lemba », ce qui me semble être une erreur très bizarre : De nombreuses statuettes féminines cruciformes ont été trouvées à Lemba (sur la côte sud-ouest) mais celle qui figure sur les pièces a, en principe, été trouvée à Pomos, à une quarantaine de kilomètres de là. Si j’ai commis une erreur, merci de laisser un commentaire !

Bref ! Ce qui m’intéresse ici, c’est l’originalité de ces statuettes cruciformes trouvées à Chypre.

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[A gauche : Déesse de la fertilité en calcaire découverte à Chypre (lieu précis inconnu) , datée de 3000-2500 avant JC et conservée au musée J. Paul Getty à Malibu, Californie – Dimensions : 38 x 25 x 41 cm – Source : Galerie photo Flickr de mharrsch – A droite : « Mabel », anagramme de « Lemba », statuette féminine cruciforme de 36 cm de haut, trouvée à Lemba, datée de 3000 avant JC et conservée au musée de Chypre à Nicosie (Cyprus museum Lefkosia) ]

Elles sont parfois grandes (une trentaine de centimètres), comme s’il s’agissait effectivement d’idoles que les anciens Cypriotes vénéraient. Elles sont parfois petites, comme des amulettes portées en collier. L’idole de Pomos est par ailleurs remarquable par la croix (non chrétienne, car fabriquée 3000 ans avant JC) qu’elle porte au cou.

Je remarque aussi les seins qui pendent, représentés pour Mabel comme un V similaire à celui du pubis. La femme du Getty est assise mais pas Mabel qui se tient debout et exhibe de larges cuisses, à l’instar de déesses du Proche-Orient (Astarte par exemple) dont je parlerai une autre fois.

Les bras écartés de ces statuettes rappellent la forme des bras d’autres statuettes, fabriquées 2000 ans plus tard et également très nombreuses à Chypre : Les figurines de femmes aux bras levés.

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[A gauche : Figurine féminine en terre cuite aux bras levés, originaire de Chypre (lieu précis inconnu), datée de 950-750 avant JC et conservée au Metropolitan Museum of Art, New York – Hauteur : 23,2cm – Source : MET – A droite : Figurine féminine en terre cuite aux bras levés, originaire de Chypre (lieu précis inconnu), datée du 7ème siècle avant JC et conservée à la fondation Nicholas et Dolly Goulandris (Museum of Cycladic Art), Athènes – Dimensions : H.: 16,5 cm / L.: 7,5 cm – Source : Museum of Cycladic Art]

On ne sait pas ce que représentent ces figurines : des déesses ? des prêtresses ? autre chose ? La forme des bras est similaire à celle des Lajja-Gauri (voir « Jambes en M : Le cas de la Lajja Gauri« ) mais y a-t-il un rapport ?

Autres statuettes, tout aussi énigmatiques : Les figurines debout aux seins nus et au large pubis.

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Figurine féminine en terre cuite originaire de Chypre, haute de 15,9 cm, datée de 1450-1200 avant JC et conservée au Metropolitan Museum of Art, New York – Source : Met

On sait peu de choses de ces statuettes dont la plupart sont visibles au Metropolitan Museum de New-York (conséquence des fouilles effectuées entre 1865 et 1877 par Luigi Palma di Cesnola, alors consul des Etats-Unis à Larnaca, dont l’incurie a entraîné la destruction de milliers de pièces – si l’on en croit l’article de Wikipedia consacré au Musée de Chypre à Nicosie – avant qu’il ne devienne directeur du Met en 1879).

Certaines ont un visage humain, d’autres un visage d’oiseau. Les mains sont sous la poitrine ou sur les hanches. Certaines figurines tiennent un enfant. Toutes ces femmes sont représentés nues avec un pubis tellement grand qu’on pourrait parfois croire qu’il s’agit d’une culotte !

On a trouvé des statuettes de femmes qui tiennent leurs seins un peu partout au Proche-Orient mais on a trouvé à Chypre une statuette (à ma connaissance, unique !) de femme qui presse ostensiblement ses seins. J’en parlerai dans le prochain billet.

Les femmes accroupies de Chypre

Dans le billet précédent, j’ai parlé des représentations de femme nue aux jambes écartées en forme de M et aux bras relevés que l’on trouve en Inde et qu’on appelle (entre autres noms) Lajja Gauri et dont on ne sait pas trop s’il s’agit d’une femme prête à accoucher ou d’une femme prête à s’accoupler.

Le Web bruisse de rumeurs bizarres sur cette « déesse » énigmatique. J’ai même lu un article qui associe la forme des jambes (M) à la forme du pubis (V) pour créer le symbole M+V d’une « déesse de la sexualité ».

Ce qui m’a le plus étonnée, c’est qu’on peut trouver des représentations assez proches de la Lajja Gauri indienne un peu partout dans le monde (Bulgarie, Roumanie, Iran, Grèce, Egypte, Chypre…) et à diverses époques. Prenons le cas de Chypre. Voici la représentation de Lajja Gauri trouvée à Chypre qui est souvent reprise par les sites « spécialisés » :

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Détail (femme assise sur un tabouret, jambes écartées, bras levés) d’un sceau cylindrique trouvé à Chypre, datée de 1400-1150 avant JC et conservé au Walters art museum de Baltimore, USA – Taille : 25 x 12 mm – Source : Walters Art Museum

Le sceau se compose en fait de 2 femmes nues aux jambes en M assises sur un tabouret et aux bras relevés (cliquer le lien du musée pour voir les vues alternatives du sceau). Il est très ancien : presque deux mille ans plus vieux que les Lajja Gauri indiennes.

Certes je ne suis pas une archéologue spécialiste de Chypre mais, en dépit de mes recherches en amateur, je n’ai trouvé aucune autre représentation de ce qu’on pourrait appeler « Lajja Gauri » à Chypre. Pourtant l’île d’Aphrodite (Rappelez-vous : C’est sur les côtes cypriotes que la déesse de l’amour et de la reproduction est sortie des ondes) ne manque pas de représentations féminines !

On trouve en particulier dans le district de Paphos, au sud-ouest de l’île de nombreuses représentations de femmes accroupies.

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Figurine d’une femme accroupie trouvée dans le district de Paphos (Kissonerga-Mosphilia ?) – Datée vers 3500-2500 avant JC – Conservée au musée archéologique du district de Paphos – Source : National Museum of Natural History, Smithsonian Institution, Washington DC

Des fouilles réalisées à Kissonerga-Mosphilia près de Lemba à une dizaine de kilomètres de Paphos ont mis à jour de nombreux objets qui pourraient être liés à un culte de l’enfantement. Je manque d’éléments pour en dire plus mais regardez donc la statuette ci-dessus : N’est-ce pas là le ventre d’une femme enceinte ?

La découverte la plus intéressante a été reprise sur un timbre. L’image n’est pas très précise mais il s’agit de la représentation d’une femme qui accouche (un enfant sort entre ses jambes) assise sur un tabouret.

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Timbre cypriote représentant une femme en train d’accoucher (l’enfant sort entre ses jambes) assise sur un tabouret – Figurine trouvée à Kissonerga-Mosphilia près de Lemba (District de Paphos) – Datée de 3500-3200 avant JC – Conservée au musée de Chypre à Nicosie (Cyprus museum, Lefkosia) – Source : archeofil.pl

Ces 3 images mises côte à côte ne sauraient représenter la preuve d’une nature « accouchante » de la Lajja Gauri mais elles constituent, je pense, des indices très intéressants de l’existence d’une fabrication importante de statuettes de femmes enceintes accroupies, aux jambes écartées et aux bras relevés dans les environs de Paphos. La présence de gisements de « picrolithe » a aussi lancé une industrie de statuettes dans cette matière (voir la femme accroupie conservée à la Fondation Nicholas et Dolly Goulandris à Athènes).

Jambes en M – Le cas de la Lajja Gauri

Surprise par la beauté et la sensualité totalement impudique de cette statue, j’ai décidé de passer un peu de temps à essayer de comprendre ce qu’elle représentait.

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Statue de Lajja-Gauri trouvée au temple chalukya de Naganath près de la ville de Badami, état de Karnataka (Inde) – Sculptée vers 650 après JC – Conservée au musée archéologique de Badami

La tâche est ingrate car malgré les milliers de pages pondues sur le sujet, personne ne semble savoir avec certitude de quoi il s’agit.  Qui est donc cette femme nue (mais couverte de bijoux sur les bras, les pieds, le cou, la poitrine et le ventre) , accroupie avec les jambes largement ouvertes en forme de M, avec les bras en l’air, la poitrine exposée, la tête coupée et remplacée par une fleur de lotus (pour compliquer les choses, elle n’est parfois pas nue et elle a parfois une tête) ?

Suivant qu’on s’intéresse à la position de ses jambes, à son absence de pudeur, à l’absence de sa tête ou à la fleur de lotus qui la remplace ou à d’autres critères encore, on l’appelle « Aditi Uttanapada », « Nagna Kabandha », « Lajja Gauri » et plein d’autres jolis noms. « Lajja Gauri » est le plus fréquent.

Il existerait une centaine de représentations connues de la Lajja Gauri en Inde. Je n’en ai trouvé qu’une poignée sur le web :

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Statuette de Lajja Gauri en stéatite de 6,6×7,6cm, datée du 6ème siècle après JC, originaire du plateau du Deccan en Inde et conservée au British Museum à Londres

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Statuette de Lajja Gauri de 10.3 x 10.3 cm, datée du 6ème siècle après JC, originaire de l’état de Madhya Pradesh en Inde et conservée au Metropolitan Museum à New York

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Plaque N°2 de Lajja Gauri en calcaire de 11×12 cm, datée de la fin du 8ème siècle ou du 9ème siècle, découverte dans le district de Nuapada, état d’Orissa en Inde et conservée par son inventeur, M. Singh Deo

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Statue de Lajja Gauri datée d’environ 650 après JC, originaire du temple de Sangamesvara près de Kudavelli, état d’Andhra Pradesh en Inde et conservée au musée d’Alampur

Certains experts avancent que la position des jambes indique qu’il s’agit d’une femme en train d’accoucher, même si son ventre n’est pas gros et qu’aucun bébé ne pointe le bout de la tête comme on peut le voir sur des représentations de déesses-mères (comme celle de Dharti-Mata, par exemple).

D’autres experts avancent que la position des jambes indique qu’il s’agit d’une femme prête à accueillir une relation sexuelle.

Une déesse de la fécondité dans un cas, une déesse du plaisir dans l’autre ?

D’autres avancent par ailleurs qu’une femme sans tête ne saurait être une déesse mais plutôt une sorte de fétiche. Vu la taille réduite de la plupart des Lajja Gauri représentées ci-dessus, faudrait-il les comparer aux tout aussi énigmatiques « Vénus » préhistoriques retrouvées en Europe ?

Pour ajouter ma touche au débat, je me permettrai de signaler que la position de la Lajja Gauri n’est pas une position érotique « naturelle ». Jambes en M, bras en l’air et seins apparents ?  Non. Quand une femme s’assoit avec les jambes écartées, elle a généralement la poitrine cachée par les jambes et les bras en bas. Voici une des rares photos érotiques de pose en M qui pourrait correspondre à la Lajja Gauri (imaginez une fleur de lotus à la place du visage de Vic E et, surtout, son corps couvert de bijoux) :

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Vic-E dans « The only way I know » – Source : femjoyhunter.com

Amusez-vous à feuilleter les centaines de photos de pose en M sur ce site, aucune ne correspond vraiment à la Lajja Gauri. Peut-on en déduire que cette forme si particulière a été créée un jour quelque part puis, pour des raisons inconnues, copiée et disséminée ?

Post-scriptum : Je mets à jour l’article avec une photo que j’avais complètement oubliée. J’ignore malheureusement le nom de la modèle et du photographe. Et, bien sûr : Trop de chaussures, pas assez de bijoux, trop de visage, pas assez de fleur de lotus… Comme il se doit. Néanmoins, avez-vous remarqué ce qui fait que cette femme n’adopte PAS la pose de Lajja Gauri ?

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Pour moi, le problème vient des bras : La Lajja Gauri lève les bras, certes, mais elle tient aussi quelque chose dans les mains, ce qui n’est pas le cas de la modèle ci-dessus qui passe les mains dans ses cheveux, ce qui rappelle plutôt certaines représentations de Vénus/Aphrodite. Je reviendrai sur la pose de la Lajja Gauri un peu plus tard, quand je parlerai des « maîtresses » du Louristan.