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Adoration, le cas « Galatée »

Attention ! Ne pas confondre avec la Galatée de Polyphème (elle, c’est l’article précédent) ! Il s’agit maintenant de la Galatée de Pygmalion. Si la couleur de la belle est la même (très très blanche), la fin de l’histoire est nettement plus agréable. Suivons donc le petit résumé en images de Sir Edward Burne-Jones.

burne-jones,the heart desires,pygmalion« The Heart desires »———————-And there upon his images he cast /His weary eyes, yet little noted them, / As still from name to name his swift thought passed. / For what to him was Juno’s well-wrought hem, / Diana’s shaft, or Pallas’ olive-stem ?

L’histoire de Pygmalion et Galatée doit sa célébrité aux « Métamorphoses » d’Ovide (encore !). Livre X. Elle a été reprise par le fameux William Morris (génial touche-à-tout, précurseur du mouvement Arts-and-Crafts, l’Art Nouveau britannique) dans « Pygmalion and the Image », onzième des douze épisodes du très très long poème « The Earthly Paradise » qu’il rédigea en 1868. Burne-Jones illustra ce 11ème épisode de plusieurs dessins et 4 peintures conservés dans la vaste collection d’oeuvres de peintres dits « préraphaélites » du BMAG (Birmingham Museum and Art Gallery).

 « The Hand Refrains »——————–And with his pride that by his mastery / This thing was done, whose equal far and wide / In no town of the world a man could see, /Came burning longing that the work should be / E’en better still, and to his heart there came / A strange and strong desire he could not name.

Pygmalion est un personnage étonnant qui fuit la compagnie des femmes qu’il juge trop lascives. Etonnant, vraiment ! Depuis quand un homme se plaint-il de la lascivité féminine ? D’habitude, n’est-ce pas le contraire qu’ils nous reprochent ? Et ce Pygmalion se met donc en tête de créer lui-même cette femme qu’il ne trouve pas. Puisqu’il s’agit d’une statue, elle sera très belle et… pas du tout lascive. Et sa beauté sera éternelle (« The heavenly beauty that can never pass by« ). C’est donc ça la femme parfaite ?

Pas vraiment car, une fois la statue achevée, Pygmalion remarque qu’il manque quelque chose à sa création. « … and this hand made thee / Who wilt not speak one little word to me. » La parole ?

Pygmalion ne trouve plus d’autre plaisir que la compagnie de sa création. Il découvre ce qu’on pourrait appeler la passion ou… l’amour (« An ever-burning unconsuming fire« ) ? Il la fait installer dans une niche (A comparer avec la niche où Aphrodite a été installée au Vatican : voir « le jour où commença le culte du corps féminin« ) dans sa chambre, la pare de bijoux… Il devient dingue et en appelle aux dieux en pleurant (Pygmalion pleure souvent et beaucoup !).

« The Godhead Fires »——————–Like a live thing, the thin flame began to throb / And gather force, and then shot up on high / A steady spike of light, that drew anigh / The sunbeam in the dome, then sank once more / Into a feeble flicker as before.

C’est finalement dans le temple de Vénus que Pygmalion va se rendre pour y prier longuement la Reine du Désir, la fair Queen (Reine blonde ou pâle). La déesse se manifeste à Pygmalion par l’éclat soudain d’une flamme. William Morris ne décrit pas la visite de Vénus à Galatée comme le fait Burne-Jones dans sa troisième peinture (Ce n’est qu’à la fin du poème que Galatée racontera l’intervention divine). Il nous laisse dans l’incertitude jusqu’à ce que le sculpteur découvre la niche vide et qu’une voix l’appelle…

« The Soul Attains »——————Speechless he stood, but she now drew anear, / Simple and sweet as she was wont to be, / And once again her silver voice rang clear, / Filling his soul with great felicity

La clarté de la voix, la douceur de l’haleine et la chaleur du corps : Voilà ce que la femme a en plus de la statue, pour Pygmalion. On ne parle plus de beauté et encore moins de son éternalité.

Avec le conte de Pygmalion et Galatée, on passe du culte de la déesse de pierre à l’adoration du corps de chair. On ne sait pas si l’adoration sera durable ou si ces deux-là divorceront mais le principe plaisait sûrement aux romantiques du XIXème siècle.

L’homme découvre qu’en matière d’Amour, il ne peut se suffire à lui-même : Il ne peut vivre seule avec sa création inanimée, sous peine de folie. Il a besoin de l’intervention de Vénus et de cette femme de chair, à la beauté éphémère, certes, mais au corps chaud et à la voix claire.

Avis aux onanistes et autres branleurs !

[Les photos des peintures d’Edward Burne-Jones proviennent du site victorianweb.org. Le poème de William Morris est disponible sur sacred-texts.com. Les peintures et dessins préparatoires d’Edward Burne-Jones sont aussi visibles sur le site preraphaelites.org du BMAG.]